Quartier manifeste de la démétropolisation
UNE ZAC RADICALE AU SERVICE D’UNE ÉCOLOGIE POPULAIRE
Nantes et son agglomération connaissent un accroissement démographique parmi les plus importants de France. Pour répondre à l’arrivée de 10 000 habitants par an, la métropole doit construire chaque année 6 000 logements. Or depuis plusieurs années, cette croissance démographique dépend avant tout du solde migratoire (+8 000 habitants, c’est-à-dire la différence entre les départs et les arrivées) plus que du solde naturel (+ 2 000 habitants, c’est-à-dire la différence entre le nombre de naissances et le nombre de décès). La métropole justifie donc la création de nouveaux quartiers par la réponse à la demande de logement : la ville s’efforcerait ainsi de loger ses habitants. Cette justification des politiques publiques est un mythe.
Les politiques de métropolisation n’ont jamais eu pour souci de loger (ni de mieux loger) les habitants, pas plus que de limiter l’étalement urbain dans les campagnes en densifiant les villes. Encore aujourd’hui, la croissance de l’artificialisation est quatre fois supérieure à la croissance démographique. En érigeant la croissance effrénée des métropoles en modèle politique, ce sont les intérêts des promoteurs et des investisseurs qui sont avant-tout contentés, menant de front l’artificialisation des sols en ville et dans les territoires ruraux. La ville attractive se doit d’attirer les flux et les capitaux, aux dépens des habitant·es les plus précaires repoussé·es toujours plus aux marges de la ville.
Jusqu’à quand la métropolisation dictera-t-elle la fabrique de la ville malgré les impacts aujourd’hui évidents qu’elle génère sur le tissu social, la pression qu’elle exerce sur les écosystèmes et les terres agricoles et maraîchères ?
Doulon est un quartier aux marges de la ville, un ancien quartier maraîcher et cheminot mais dont le patrimoine n’est pas pour autant figé dans le passé. Les dernières terres maraîchères de Nantes dont les paysan·nes ont été exproprié·es dans les années 1980 sont toujours là, prêtes à être cultivées de nouveau. À deux pas, le lycée agricole du Grand Blottereau forme chaque année des étudiant·es en maraîchage et horticulture. Des jardins partagés et familiaux résistent au grignotage urbain, marqueur d’une culture encore populaire et vivrière. Des infrastructures sportives existantes, appartenant pour certaines à la SNCF, attendent depuis des dizaines d’années d’être réhabilitées. Dans les bois des Gohards, l’enfrichement a favorisé les dynamiques écologiques au profit du vivant et permet notamment la régulation des extrêmes hydrologiques entre les crues et les sécheresses. Ce quartier présente un terreau fertile à cultiver pour une autre fabrique de la ville, partant des usages existants.
LA REPRISE DU FONCIER
La ZAC est un outil qui permet de lutter contre la spéculation foncière et de garder le pouvoir de construire la ville nous-mêmes plutôt que de laisser le secteur privé la marchandiser. Le foncier, les sols, en ville comme dans les territoires ruraux, font l’objet d’un accaparement de plus en plus féroce : les promoteurs et investisseurs se battent pour le moindre mètre carré en milieu urbain pour de nouveaux projets immobiliers. Dans la ruralité, les terres sont trustées pour des projets de zones d’activité économique, pour l’extraction de matières premières pour le BTP, et de nouveaux projets de routes et de logements. La densification en ville et l’étalement urbain à la campagne s’alimentent l’un-l’autre. Pour lutter contre l’accaparement du foncier, il nous faut garder la maîtrise foncière et créer un comité de quartier qui permettra le passage d’un aménagement privé-public à un aménagement habitant soutenu par le public.
Au plus proche des préoccupations locales, le comité de quartier sera constitué d’habitant·e·s du quartier accompagnés par la collectivité, pour décider des aménagements, du soin à apporter aux espaces et de la vie du quartier (avec un parlement des usages, bureau du temps, bureau des projets et des mises en relation, animation des chantiers et des formations, de la vie culturelle, etc.). Le comité de quartier coordonnera la politique et les évolutions du quartier et animera la vie des Gohards. Nous avons redessiné les contours du quartier car le périmètre de la ZAC est mal adapté aux enjeux actuels pour permettre de vraies interactions entre les espaces productifs, les espaces habités et les dynamiques écologiques des Gohards. Nous proposons de l’élargir au nord et à l’est (Zone d’activité Nantes-est et Sainte-Luce) pour répondre notamment à la nécessicité non seulement d’arrêter l’artificialisation, mais aussi de désartificialiser les espaces urbains et créer ainsi des logements et des infrastructures respectueux des milieux. Enfin, puisque l’acte de bâtir en commun sera facilité, il s’agira de sortir des logiques spéculatives et de la prédation foncière par des montages originaux qui amèneront la collectivité à rester propriétaire du foncier et à tirer des revenus sur le long terme des baux mis en place en lien avec les habitant.e.s et les activités économiques.
VIVRE AUX GOHARDS – ÉCONOMIE COMMUNALE ET VIE DE QUARTIER
Les Gohards en Commun.s sera un quartier manifeste de la bifurcation vers une économie qui part de nos besoins et de nos usages. Il s’agit alors de préserver et d’encourager les activités artisanales et maraîchères. Avec la ZAC, la métropole dispose d’un arsenal d’outils juridiques tels que le droit de préemption1 et d’expropriation2 qui permettront la reprise de lieux productifs du quartier pour en faire des Maisons communales où se réapproprier et transmettre des savoirs et savoir-faire pour prendre soin de nos milieux de vie et créer du lien social.
Nous bâtirons cinq lieux communaux dédiés à cinq usages fondamentaux du quartier : une Maison Communale du Quartier, de la Réparation, de la Construction, de la Subsistance, et des Sols.
En mêlant activités productives sous diverses formes (communale, coopérative, etc.) et reprise de savoirs (auto-construction, isolement des logements, amendement des sols…), les Maisons communales seront des lieux de référence pour faire émerger une économie artisanale et maraîchère ancrée dans un usage quotidien du quartier, régies à terme par une monnaie de quartier afin de garantir la permanence des liens entre les espaces productifs et les habitant·es du quartier.
REPRISE DES RESSOURCES ET RESTAURATION DES MILIEUX
Nous créerons aussi les conditions d’une reprise des ressources et d’une restauration des milieux dégradés par le capitalisme urbain. Face aux majors du BTP, aux extractivistes, aux bétonneurs et aux tronçonneurs qui se sont accaparés les conditions de la construction, le quartier profitera de son identité aux marges de la ville pour retourner la question des déchets à son profit. Il sera le réceptacle des rebuts capitalistes qu’il transformera dans une logique artisanale et constructive (cartons, palettes, terres d’excavations, réemploi des menuiseries issues de la rénovation, etc.). Il pourra aussi compter sur la production de ses propres ressources (fibre végétale, petit bois, alimentation, etc.). Les sols et matériaux pollués seront traités et les zones humides protégées et restaurées, favorisant leur rôle de régulation face aux extrêmes hydrologiques (crues et sécheresses), de purification et épuration des eaux, de puits de carbone et de milieu d’habitat pour une biodiversité rare et foisonnante (restauration des haies communales).
UN QUARTIER NOURRICIER ET FERTILE
Les outils de la ZAC permettront également la reprise de terres agricoles sur 70 hectares avec des fermes progressivement municipalisées pour renouer avec une autonomie alimentaire en ville offrant des baux et des débouchés pérennes pour les paysan·nes. Les anciennes terres maraîchères seront remises en culture au sein d’une régie agricole, prévoyant la création d’un service de maraîchage communal. Cette production locale et bio de fruits et légumes approvisionnera la cuisine centrale de Nantes située à 500 mètres des champs des Gohards, permettant d’alimenter les cantines scolaires et à terme les EHPAD. Les jardins ouvriers du quartier seront préservés, d’autres seront créés et une aide à la remise en culture des jardins particuliers sera prévue au sein de la Maison de la Subsistance.
SE LOGER – UN DROIT POUR TOUT·E·S
Les Gohards en Commun·s sera un projet démonstrateur des nouvelles manières de se loger contrant les logiques spéculatives du marché foncier. Il s’agira d’un projet de re-cohabitation qui s’appuiera sur une typologie largement revue de 1 550 logements au total dont au moins 50% en logement social, sans aucune artificialisation des sols. En rompant la logique de fragmentation des espaces, entre des espaces résidentiels d’un côté et des zones industrielles et artisanales de l’autre, nous proposons la création de quartiers mixtes et vivants. Les droits de préemption et d’expropriation seront utilisés pour récupérer les bâtiments de Nantes Est entreprise et ré-allouer des espaces aux artisans en fonction des besoins et usages du quartier. L’ensemble des habitant·es du quartier qui souhaitent y rester trouveront des solutions de logement, parmi lesquels les 350 personnes Roms habitant dans des bidonvilles menacés d’expulsion. Les formes de logement seront adaptées aux singularités des Gohards : immeubles collectifs en habitat coopératif et en autopromotion, habitat léger en réemploi, re-cohabitation pavillonnaire et béguinage en rénovation, logement d’urgence et saisonniers, logement social et solidaire.
Les Gohards en Commun·s sera un projet en mouvement qui rompt avec les logiques de métropolitisation et d’attractivité, affirmant qu’une autre fabrique de la ville est possible. En refusant de brader les terres aujourd’hui publiques aux logiques spéculatives du marché, nous défendons une maîtrise foncière qui garantisse un changement matériel radical de la ville en allant au plus près des ressources et des besoins et qui renforce ainsi les liens sociaux et les solidarités autour d’une écologie réellement populaire.
Plaquette de présentation résumée ( la version complète arrive prochainement ! )
Les signataires
